Isabelle Wilhelmine Marie Eberhardt est une journaliste et écrivaine née le 17 février 1877 à Genève, Suisse, d’une mère issue de la noblesse russe d’origine allemande, Natalia de Mœrder (née Natalia Nicolaïevna Eberhardt), exilée et mariée au général Pavel de Mœrder, et d’un père né en Arménie, Alexandre Trophimowsky, anarchiste et de pensée tolstoïenne, précepteur des enfants avant la mort du général. Elle grandit près de Genève à « la villa Neuve » et reçoit une éducation avant-gardiste polyglotte qui lui permet de communiquer en russe, en italien, en allemand, en français, en arabe et en turc.
En 1897, elle s’installe à Annaba (Bône) en Algérie avec sa mère, qui préfère habiter les quartiers algériens plutôt que les quartiers européens qu’elle déteste. Elle a eu durant son séjour bônois une relation avec Mohamed Khodja et commence à être attirée par la religion musulmane avant de finir par se convertir à l’islam. Aux côtés des Algériens, elle décide de vivre comme une musulmane et s’habille en homme algérien. Elle s’installe tout d’abord à Batna dans les Aurès en 1899. Après la mort de sa mère, elle vit plusieurs mois en nomade entre Batna, Béni M’zab et Oued Souf et rencontre Slimane Ehnni, musulman de nationalité française, sous-officier de spahi et fils d’un inspecteur de police, soupçonné d’exercer des activités d’espionnage. Lors d’un passage par le village de Behima (actuellement Hassani Abdelkrim) accompagnant Si El Hachemi, chef religieux de la confrérie des Kadiryas, elle est victime d’une tentative d’assassinat le 29 janvier 1901 orchestrée par une confrérie soufie opposée à la sienne. Le 17 octobre de la même année, elle épouse Slimane à Marseille (après avoir été contrainte par les autorités coloniales de quitter l’Algérie en 1900), et obtient ainsi la nationalité française.
Son mariage lui permet de revenir en Algérie, où elle collabore au journal arabophile El Akhbardirigé par Victor Barrucand. Elle est envoyée à Aïn Sefra comme reporter de guerre pendant les troubles près de la frontière marocaine. Elle côtoie Maxime Noiré qu’elle qualifie de « peintre des horizons en feu et des amandiers en pleurs ». En novembre 1903, à Beni Ounif, elle fait la connaissance du général Lyautey qui apprécie sa compréhension de l’Afrique et son sens de la liberté, disant d’elle : «elle était ce qui m’attire le plus au monde : une réfractaire. Trouver quelqu’un qui est vraiment soi, qui est hors de tout préjugé, de toute inféodation, de tout cliché et qui passe à travers la vie, aussi libérée de tout que l’oiseau dans l’espace, quel régal ! ».
Le 21 octobre 1904, à Aïn Sefra, l’oued se transforme en torrent furieux et la ville basse, où elle résidait seulement depuis la veille, est en partie submergée. Slimane est retrouvé vivant, mais Isabelle périt dans la maison effondrée, et son corps n’y est retrouvé six jours après, le 27 octobre. Elle repose dans le petit cimetière musulman Sidi Boudjemaâ à Aïn Sefra.
Ses récits ont été publiés après sa mort et présentent la réalité quotidienne de la société algérienne au temps de la colonisation française. Ses carnets de voyage et ses journaliersrassemblent ses impressions de voyage nomade dans le Sahara. Certains de ses écrits ont été publiés sous les pseudonymes Nicolas Podolinsky ou Mahmoud Saadi.
La maison de l’écrivaine, située à Zmala, quartier populaire de la ville de Batna, en face du Sidi Merzougoù elle a habité après le décès de son père et le suicide de son frère et dans laquelle elle a composé quelques-unes de ses œuvres, est transformée en dépotoir. C’est la raison pour laquelle des Batnéens tentent de se rassembler pour tenter de sauver ce patrimoine algérien et européen.