Description
Au-delà du rempart, les ombres des palmes se mouvaient avec un bruit et des parfums légers. À l’horizon, dans l’oasis de Metlili, le Sahara immense, le vide illimité du Pays de la Peur.
C’était là que Messaoud était campé, dans la fierté de sa jeunesse, dans l’orgueil de ses armes, sans doute oublieux d’elle !
Messaouda savait que, cette année-là, elle ne le verrait pas, et pourtant, dans son corps comme dans son âme, elle n’était qu’une attente de l’homme qu’elle aimait.
Elle l’attendait le matin, sous les figuiers du petit jardin, quand, pour ses cheveux, elle cueillait quelques fleurs de grenadier, quand, agenouillée, elle frissonnait à toucher avec ses lèvres le murmure de l’eau courante.
Elle l’attendait pendant les accablements de la sieste, quand ses yeux aveuglés de lumière se ferment sur les choses visibles, pour se tourner vers les réalités du souvenir et du rêve.
Elle l’attendait, au crépuscule, quand les palmiers s’emplissent de roucoulements de pigeons, et qu’un grand souffle d’amour, éclos dans le lointain Sahara, fait frémir les verdures de l’oasis avant que la lumière meure.
Surtout, elle l’attendait, la nuit, dans le silence de sa maison et de tous les êtres vivants.
Que faisait-il à cette seconde ? Était-il de ceux qui dorment, à leur tour, avec leur manteau rabattu sur les yeux, pour éviter les coups de lune ? Veillait-il près du feu qui écarte les bêtes sauvages ?
Comme il était couché sur la dune, elle, elle s’étendait, à plat ventre sur la terrasse, et, sur ses coudes, élevait son menton dans ses mains.
Sa poitrine, trop lourde, reposait, ainsi, sur la fraîcheur de la terre. Son profil délicat s’éclairait dans la lumière pâle. Immobile, les yeux fixes, la bouche ouverte, les lèvres avancées, elle restait, sans fin, la gorge et les narines palpitantes, tendue du côté de la Nuit et du Désert, comme une cavale entravée qui appelle le Vent…